[Vincent / Dessous de Science] On n’est pas dans la merde !

[Vincent / Dessous de Science] On n’est pas dans la merde !

Lorsqu’on m’a proposé d’intervenir au cours de ce festival, je n’avais pas trop d’idée, je ne savais pas de quoi j’allais parler. Alors je me suis posé une question : qu’aiment les lyonnais ? Et la première chose à laquelle j’ai pensé c’est MANGER ! Et j’en suis la preuve. Bon après on avait déjà fait l’an dernier le thème science et bouffe et je ne voulais pas refaire les steaks de cellule souche (que vous pouvez d’ailleurs ré écouter en podcast sur Podcast Science). Je faisais cours de SVT à mes élèves de 5ème et on était en plein dans la partie digestion et je me suis dit : « Bingo ! Je vais parler matière fécale ! » C’est peut être un sujet de merde mais la science a beaucoup de choses à dire là dessus ! Tiens d’ailleurs savez-vous comment s’appelle la science des matières fécales ? Il s’agit de la coprologie. Une sous-branche de cette science s’appelle même la paléo-coprologie : l’étude des vieux cacas fossilisés quoi ! (je ne parle pas de maisons de retraite ici…) Une dernière question : Savez-vous comment les scientifiques appellent ces vieux cacas fossilisés ? Des coprolithes. En 2013 des coprolithes datant de 235 millions d’années ont été découverts en Argentine. Coprolithe est aussi une insulte que les fans de feu Terry Pratchett doivent connaître. Bref revenons à nos moutons.

Commençons par l’histoire : Au 18ème siècle, un abbé italien du nom de Spallanzani essaya de comprendre le principe de digestion. Comme tout bon scientifique qui se respecte Spallanzani était un peu fou sur les bords. Afin de réaliser ses expériences, il s’utilisa comme cobaye. Je vais vous lire un compte-rendu d’une de ses expériences qu’il réalisa : « Je n’avalais d’abord qu’un seul petit tube perforé de petits trous, où j’avais mis trente-six grains de chair de veau cuite et mâchée : il sortit heureusement au bout de vingt-deux heures, mais il ne contenait plus de chair, ni rien du tout » Bien sûr pour retrouver son tube il fouilla dans sa matière fécale mais passons ce détail. Ce fut le premier scientifique a comprendre le mécanisme de digestion.

Parfois la digestion se passe mal ce qui peut causer des maladies comme la diarrhée. Revenons à une époque plus récente : en 2013 une équipe de scientifique hollandais a publié un article dans le plus grand journal scientifique médical intitulé « Duodenal Infusion of Donor Feces for recurrent Clostridium Difficile » ce qui peut être traduit en français vulgarisé par : « Infusion de matière fécale de donneur pour soigner la diarrhée ». Oui oui, vous avez bien compris, le don de matière fécale risque de se développer dans les prochaines années.

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Quelques explications : Clostridium Difficile est une bactérie très résistante aux antibiotiques. En cas de traitement antibiotique, il se peut que les autres bactéries de la flore intestinale soient touchées, entraînant alors une forte augmentation du nombre de Clostridium Dificile. Dans ce cas, cette bactérie va produire plusieurs toxines entraînant une diarrhée. La prolifération de cette bactérie peut également être due à une défaillance du système immunitaire. Les médecins hollandais ont réussi à soigner cette diarrhée en proposant une infusion de matière fécale à leurs patients !

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Non non pas des infusions en sachet ! La technique est beaucoup moins appétissante. En fait ils ont fait infuser la matière fécale dans une solution saline et après avoir filtré le liquide, ils l’ont injecté directement dans le duodénum du patient grâce à un tube. Entre le don et l’infusion, seulement 6h se sont écoulées. Lors des premiers tests, ce traitement a permis de rétablir la flore intestinale et donc de soigner la diarrhée de 80% des patients.

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Allez dans ma grande bonté je vous donne un dernier exemple d’une recherche de coprologie. Un article publié dans le journal scientifique Plos en 2012 était intitulé « An In-Depth Analysis of a Piece of Shit: Distribution of Schistosoma mansoni and Hookworm Eggs in Human Stool » qui peut être traduit par « Une analyse en profondeur d’une pièce de merde : Distribution de Schistosoma mansoni et des oeufs d’Ankylostomes dans des excréments humains ». Peu ragoutant. D’autant plus si je vous montre une photo de ces ankylostomes fixés à l’intestin :

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Cet article très sérieux (Plos est un des journal scientifique les plus connus) traite malgré son titre d’un sujet encore plus sérieux : l’ankylostomose. Il s’agit d’une maladie entraînant des lésions cutanées, des irritations des voies respiratoires et des diarrhées. Donc journal sérieux, sujet sérieux et comme tout bon scientifique, les chercheurs ont réalisé un schéma de leur expérience. Le voici :

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C’est sûr que quand j’ai vu cela j’ai mis du temps à m’en remettre. C’est pourquoi je voulais le partager avec vous !

Conclusion : Bon c’est sûr que si nous, scientifiques, voulons redorer notre image avec des sujets comme ceux que je viens de vous présenter, on est pas dans la merde.