[Pierre Kerner / Taupo] Strange and Funky Lion
Avertissement: cette présentation contient des propos, images et vidéos avec du sexe et des cadavres pouvant choquer les plus jeunes. Certes les lecteurs habitués de mon blog ne seront pas surpris, mais là, je parle en public…
Me voici à Lyon où j’ai été invité à exprimer mon amour de la science étrange et fabuleuse que je partage depuis 2009 sur mon Blog Strange Stuff and Funky Things. Ce que j’aime par dessus tout, c’est quand on se prend la tête, qu’on commence à réfléchir à partir d’anecdotes insolites. J’aime bien aussi partir sur un sujet de base qui peut paraitre, de prime abord, un peu bateau, un poil rébarbatif… De quoi parler pour Lyon Science… Rahhh Lyon Science… Lyon Science? Et ben je vais parler de Lion, l’animal, pas la ville. En plus comme je suis un connard de Parisien, je vais en profiter pour dénigrer Lyon, la ville, pas l’animal, en se foutant de la gueule de l’animal… Bref, titre de ma présentation:
Les lions, en fait, est-ce que c’est pas juste des gros chats?
On peut poser la question à l’envers si vous voulez:
Les chats ne sont ils pas au final juste des petits lions?
Bon en tant que “spécialiste” de la taxinomie, je me suis mis un peu tout seul dans la mouise: certes, les chats et les lions appartiennent tout deux au groupe des félidés, mais on distingue cependant les grands félins, Pantherinae, groupe auquel appartiennent les lions (Panthera leo) des petits félins, Felinae, parmi lesquels on retrouve les chats (Felis silvestris catus). Je vous le dis comme ça mais de nombreuses équipes de recherches ont participé à la clarification des liens de parentés qui existent entre les félidés ou même au sein des populations de lions. Pour ce faire, on peut comparer les morphologies des animaux, on peut se mettre en quête de fossiles et on peut séquencer et comparer des bouts de leur ADN. Je vous le cache pas, déjà du point de vue morphologique, les lions ont plus à voir avec les tigres, jaguars, léopards tout court et léopards des neiges, qu’avec les ptits minous. Ils sont d’ailleurs tellement proches entre eux que ces espèces peuvent se reproduire entre-elles et donner des hybrides aux noms ridicules comme Ligre, Liard, Jaguatigre et autre Leopon…
Par contre, quasi impossible de croiser des félinés et des pantherinés:
Tous ces croisement désordonnés, ça ne facilite pas les choses pour dresser la généalogie des félins, des panthérinés et en particulier celle des lions sur laquelle s’écharpe bon nombre de chercheurs. La situation est tellement complexe qu’il faut tout un tas de preuves pour établir la situation. Pour comprendre ce qui s’est passé certains vont même jusqu’à prélever de l’ADN sur des restes de lions conservés dans des musées ou encore s’intéresser aux virus qu’ils portent, comme le FIVPle, le virus du sida des félins, qui se disperse et évolue au grès des mouvements des populations porteuses.
Mais bref, en dehors des preuves quasi irréfutables de la phylogénétique, qu’est ce qui peut véritablement me faire dire que les lions et chats, c’est pareil? Ben déjà regardez ce qui se passe quand on rajoute une crinière à un chat:
Ah on fait moins les malins là, face à ma preuve, hein? J’en entends déjà qui tente de la dénigrer en la taxant de sexiste sous prétexte que j’associe l’apparence du mâle à l’intégralité des lions, femelles inclues. Et bien sachez que si nous, humains, avons nos femmes à barbes, les lions ne sont pas en reste car il existe aussi des lionnes à crinière :
Plusieurs femelles à crinières ont été observées dans différentes troupes de lion du camp Mambo, au Botswana. Pour l’instant des études préliminaires avec mesures et prélèvement sanguins n’ont été effectuées que sur une seule lionne appelée Mmamoriri:
Malheureusement, ces résultats n’ont pas encore été publiés. Par contre une autre lionne à crinière née en captivité à Philadelphie a été étudiée et il semble que bien qu’elle soit génétiquement femelle, ses ovaires comportent des structures testiculaires expliquant une production de testostérone et donc sa luxuriante chevelure:
Après les lionnes à crinières, on ne sera pas surpris non plus de trouver également des lions glabres :
Ces lions ne sont pas malingres ou galeux mais appartiennent à une population de lions du Tsavo, au Kenya, caractérisée par cette crinière version armée de terre.
Climat, adaptation à la végétation, structure sociale, surproduction de testostérone: les hypothèses sont nombreuses mais on ne sait pas encore ce qui rend chauves ces lions Kenyans. Il est à noter cependant qu’il existe tout un spectre d’abondance capillaire chez les lions:
A noter aussi que les lions européens des cavernes (Panthera leo spelaea) n’ont jamais été peints avec des crinières par nos ancêtres.
Du coup on peut se demander d’où vient cette crinière et son utilité. Généralement, lorsqu’on contemple un caractère uniquement présent chez un sexe, il est assez probable que celui-ci soit le résultat d’une sélection sexuelle. Chez les lions, la crinière est d’une part plus ou moins longue, mais aussi plus ou moins foncée. Or des chercheurs ont récemment montré que les lionnes de Serengeti étaient plus attirées par des bruns ténébreux aux cheveux longs. Mieux, il semble que ces crinières constituent de véritables panneaux d’indication permettant de signaler la qualité de nutrition, le niveau en testostérone, les capacités aux combat, la santé et l’âge de leur porteur. Telle l’encombrante roue de plumes des paons, la crinière des lions est également un fardeau car les lions aux crinières longues et sombres souffrent de grosses bouffées de chaleur (c’est un peu comme porter une cagoule noire fourrée au soleil, ça peut être déplaisant à force). Mais du coup, seuls les lions hyper robustes peuvent se permettre de maintenir une telle crinière…
Mais bon, pas de quoi fouetter un chat comme différence entre lions et minous… Pour rappel, notre première équation donne : Félix + Crinière = Lion. Pour transformer un lion en chat, suivez l’équation suivante: Lion + Boite en carton = gros matou:
Vous êtes sceptique sur le fait qu’on puisse transformer un lion en animal domestique? Et bien c’est pourtant la folie qu’a réalisée Tippi Hedren en accueillant pendant quelques mois dans son foyer Neil, un lion adulte. On voit sur ces photos le lion déambuler dans la maison comme chez lui et jouer comme un gros matou avec la fille de Tippi Hedren, Mélanie Griffith:
Du mal à croire que les lions peuvent être affectueux? C’est vrai que les chats, eux, nous témoignent de l’affection en nous foutant des ptits coups de boule, si mignon. Et bien c’est pareil pour les lions! Des chercheurs ont même montré qu’il s’agirait là d’un comportement visant à renforcer les liens sociaux au sein d’une troupe, une action essentielle pour s’assurer d’être bien défendu dans le cas d’attaques de lions d’autres troupes. Les lionnes semblent par contre préférer se faire des léchouilles pour rester copines…
Bon et tout le monde le sait, la preuve ultime de la domestication des chats, c’est qu’ils sont devenus des vrais branleurs (selon le CCC en tout cas)…
… mais les lions sont des branleurs aussi! En tout cas ils le sont au sens propre du terme puisque les lions sont caractérisés pour leur propension à la masturbation (en utilisant leur patte avant) ou… l’autofellation comme ici:
Remarquez, il faut être particulièrement motivé quand on est un lion qui veut s’autofellationner car le pénis des félins (chats et lions donc) est épineux :
Je n’approfondis pas le sujet des épines de pénis, et vous renvoie plutôt à la vidéo de DirtyBiology sur les diverses fonctions des pénis dans le règne animal.
En conclusion et en toute malhonnêteté, la seule différence que je puisse trouver entre un chat et un lion, ce sont les vocalises de chacun. En effet il semble que les lions soient peu capables de ronronner et les chats définitivement incapables de rugir. C’est d’ailleurs sur une telle distinction qu’au XIXème siècle le naturaliste Richard Owen avait séparé les Pantherinae des Felinae. Il semble que l’origine de ces différences de capacités proviennent de l’os hyoïde qui se trouve au-dessus du larynx et sous la base de la langue. L’os hyoïde des chats est plutôt rigide et bien osseux , alors que celui des lions est flexible, partiellement cartilagineux et attaché au crâne avec des ligaments élastiques:
Pour ronronner, les chats ne semblent utiliser que de l’air passant à travers leur larynx qui est modulé par leurs cordes vocales. Les lions de leur côté ont un gros bloc de tissu fibro-élastique près de leurs cordes vocales qui semble empêcher le ronron. Par contre, ils peuvent abaisser leur larynx dans leur gorge grâce à la flexibilité de leur os hyoïde ce qui leur permet d’utiliser leur tractus vocal comme un cor de chasse et rugir! Pour vérifier si c’est bien la mécanique employée par les lions, des zoologistes ont profité d’une dissection du roi de la jungle pour jouer avec son larynx en y faisant passer de l’air comprimé pour voir s’ils pouvaient recréer son célèbre rugissement. Je vous laisse juger:
Conclusion finale, je dois bien l’admettre: la science lionnaise (Lyonnaise?) c’est bien Strange et Funky!
Liens:
Phylogénie des félins:
Article BBC
Article United Academics
Crinière des Lions:
Article National Geographic (1 & 2)
Article Animals in the News
Article Crystalinks
Article Wildlife Worldwide
Article Les Poissons N’Existent Pas
Les lions presque domestiques:
Vocalise des félins:
Divers:
Pour continuer à explorer le monde des lions:
Les technique de chasse à la girafe près des routes
Un lionceau, est-ce que ça nage?
Que faire si les lions du zoo ne rugissent pas?
La Science des Troupes de lions
Le régime des lions des cavernes
Références:
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